NUMÉRO 18 (2018)

NUMÉRO 18 (2018)

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NOTE DE LA DIRECTION

Le titre de l’excellent manifeste pro-culturel, « L’Utilité de l’inutile », de Nuccio Ordine, doit beaucoup à cette citation d’Ionesco : « Regardez les gens courir affairés, dans les rues. Ils ne regardent ni à droite, ni à gauche [...] ils foncent tout droit [...] machinalement. Dans toutes les grandes villes du monde c’est pareil. L’homme moderne, universel, c’est l’homme pressé [...] prisonnier de la nécessité, il ne comprend pas qu’une chose puisse ne pas être utile ; il ne comprend pas non plus que, dans le fond, c’est l’utile qui peut être un poids inutile, accablant. Si on ne comprend pas l’utilité de l’inutile, l’inutilité de l’utile, on ne comprend pas l’art ; et un pays où l’on ne comprend pas l’art est un pays d’esclaves et de robots, un pays de gens malheureux [...] un pays sans esprit ».

Contrairement à l’air du temps, Michel Butor a su prendre son temps pour pérégriner, satisfaire sa curiosité, songer, scruter, connaître. Il a aussi su éviter le piège de la notoriété précoce et de l’acclamation du grand public entraînant souvent le faux pas du maniérisme. C’est à son propre rythme qu’il a exploré l’espace urbain et rural de différents pays et continents, qu’il a changé de résidences, de postes, de domaines artistiques, qu’il s’est aventuré dans une variété de genres et de formes d’expression. C’est à sa guise qu’il s’est penché à la fois sur l’évolution de la civilisation matérielle et immatérielle, brouillant le profil de l’intellectuel actuellement en vogue, épris du théorique au point de mésestimer le concret. Espèce de modificateur persévérant dans la recherche d’angles de vue et de perspectives, générateur d’une œuvre qui ressemble à un « labyrinthe de surprises », Butor n’a pas simplement voulu « décrire la réalité » mais surtout « l’interroger ». Toujours affairé mais jamais affaissé, il a redonné foi dans la valeur de l’improvisation, de l’improviste, de la socialisation entre créateurs, du gai cheminement sans contraintes éthiques, esthétiques ou eidétiques.

Les membres du Département de Langue et de Littérature Françaises de Thessalonique ont entrepris le projet d’un colloque international consacré à l’œuvre de Michel Butor, touchés par sa récente disparition en août 2016. L’idée fut lancée par la professeure Maria Makropoulou souhaitant sans doute prendre le relais de nos collègues Georges Freris et Athanasia Tsatsakou qui avaient proposé et réalisé sa nomination de docteur honoris causa par la Faculté des Lettres en mars 2001. Ce n’était à l’époque, comme c’est aussi aujourd’hui, qu’un geste de reconnaissance, une offrande minime contre les généreux cadeaux qu’il a offerts à nous tous – lecteurs, étudiants et chercheurs – durant sa vie infatigablement productive, intarissablement imaginative.

Il va de soi que ce projet ne se serait pas réalisé sans la motivation et la mobilisation de nombre d’individus ainsi et d’institutions locales. Je commencerai par mentionner et remercier les membres du comité d’organisation et du comité scientifique (M. Makropoulou, S. Grammenidis, Ch. Karatsinidou, M. Litsardaki, G. Kastellanou) qui se sont investis dans la préparation du colloque pendant les mois qui l’ont précédé, le Comité de Recherche de l’Université Aristote ainsi que la boutique « Nak » pour leurs subventions salutaires en cette période de crise, la Municipalité de la Ville de Thessalonique et l’Institut Français pour leur partenariat, et plus spécialement Monsieur le Consul Général, Philippe Ray. Dernier apport mais aucunement le moindre : je tiens à remercier vivement et personnellement notre conférencière d’honneur, Mme Mireille Calle-Gruber, professeur émérite de l’Université Paris III-Sorbonne Nouvelle, ancienne amie et grande spécialiste de Butor, qui a, sans hésiter, accepté notre invitation et aussi encadré le comité de lecture du présent numéro en collaboration avec Mme Maria Makropoulou et M. Walter Geerts. Je remercie également  Andreas Papanikolaou et Kalliopi Ploumastaki pour la révision des textes et bien évidemment tous et toutes les collègues et chercheurs qui ont honoré de leur présence cette rencontre scientifique. Pour clore, je souhaite exprimer ma sincère reconnaissance pour leur disponibilité et ma joie profonde pour leur enthousiasme à tous étudiant(e)s bénévoles qui sont les héros/héroïnes invisibles de cette manifestation. L’excellent site du colloque qu’elles/ils ont voulu créer garde une trace de leur apport collectif et individuel : http://michelbutor2017.frl.auth.gr/

EUGENIA GRAMMATIKOPOULOU
Professeure assistante (Section de Littérature)
Directrice du Laboratoire de Littérature Comparée
Département de Langue et de Littérature Françaises