NUMÉRO 22 (2022)

NUMÉRO 22 (2022)

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Le présent numéro de la revue Inter-Textes aborde une question critique de l’actualité ainsi que de la politique : la douloureuse épreuve qu’est devenue au XXIe siècle la traversée de la Méditerranée. En moins d’un an (2021), l’agence des Nations Unies pour les réfugiés compte plus de 2 500 personnes mortes ou disparues en mer : obscur charnier, ce berceau de tant de civilisations augustes et lieu de passage emblématique se transforme en cimetière marin pour celles et ceux qui « tentent de vivre ». Notre objectif est de se pencher, à travers diverses formes allant de la littérature à la philosophie, du théâtre à la photographie, sur les individus contraints de traverser la Grande bleue au péril de leur vie, et s’interroger sur la manière dont l’art et la littérature de l’extrême-contemporain donnent une voix et un visage à ces exilé.e.s prêt.e.s à tout pour revendiquer le droit de vivre avec dignité.

De l’Antiquité à nos jours, cette traversée a été racontée et célébrée ; si les héros de l’épopée ont protégé les hommes en faisant de la Méditerranée un espace clos, reste-t-il toujours un refuge aujourd’hui ? Si Ulysse a instruit les hommes sur les dangers de Charybde et Scylla en navigation, et si Hercule a fermé cet espace grâce à ses colonnes, c’est dans le but d’empêcher les hommes de faire face aux dangers du monde inhabité, de l’espace inconnu, peuplé de monstres et représenté par l’Atlantique. Mais, de nos jours, un basculement s’établit, faisant de l’espace méditerranéen le charnier d’un monstre plus proche mais non moins féroce, l’homme.

Ce numéro 22 de la revue Inter-Textes traverse le temps, allant de l’épicurisme à la photographie devenant métaphore de la traversée. Il s’agit d’un voyage en Méditerranée qui fera escale dans la Sicile de Giosuè Calaciura et dans le Tanger de Tahar Ben Jelloun. La navigation alimentera l’imagination du lecteur et l’amènera à s’interroger sur la question du rêve comme moteur d’action des migrants en quête d’un ailleurs, jusqu’à l’espace d’un temps intermédiaire et en suspens du théâtre mouawadien. Un périple qui mènera à la rencontre d’une figure emblématique de la traversée, le passeur, qui évoluera par le biais d’une vision comparative dans le processus de déshumanisation du migrant. Enfin, le mouvement incessant des flux maritimes permettra d’appréhender l’image d’une Babel moderne, comme fil d’Ariane de ces différents articles.

L’ordre de présentation des articles est l’apanage de l’aléatoire, de l’imprévisible, comme si c’était le lot de chacun de nous en lieu et place de ceux et celles qui risquent leurs vies afin de ne rien perdre de leur vérité muette sur l’âme, sur la force du désir et les rapports interhumains.